Bob Morane n’est pas mort !

Opération ChronosIndépendamment de l’insipide reboot en bandes dessinées dont vous avez peut-être entendu parler, les aventures de notre célèbre commandant se poursuivent au travers de romans et de nouvelles.

Hélas vous n’avez que peu de chance de tomber sur l’une de ses aventures au hasard de vos pérégrinations chez votre libraire préféré car la distribution est, comment dirai-je, plutôt erratique.
En ce qui concerne les nouvelles, la situation est claire. Elles font partie d’une série dite « hors collection  » et ne sont distribuées que par la librairie/maison d’édition l’Age d’or sise à Charleroi en Belgique. Le prix prohibitif de 25€ (plus les frais d’envoi) pour une nouvelle ne dépassant parfois que difficilement la vingtaine de pages, la réservera aux fans les plus fortunés ou les plus inconscients.
Les romans sont trouvables eux sur tous les sites de distribution de masse (encore que). Pour être prévenu des (rares) sorties, le plus simple est encore de fréquenter ce forum ou les auteurs interviennent régulièrement.
Je vous ai vu sursauter dans votre fauteuil ! Oui, vous avez bien lu « LES auteurs ». Car depuis que Henri Vernes (97 ans tout de même) a revendu ses droits et n’écrit plus les aventures de son héros, de nombreux écrivains se sont succédés, simples fans ou professionnels, pour nous conter les péripéties de notre Bob increvable ! Je ne tenterai pas de les citer ici tant la situation est des plus confuse, due à une politique éditoriale pour le moins incohérente de l’éditeur Ananké.
Malgré tout, des romans continuent vaille que vaille à sortir et le dernier en date a pour titre Opération Chronos dont l’auteur est Brice Tarvel connu pour des romans – sous ce nom ou sous pseudonyme – et des scénarios de bandes dessinées. Je vous en livre ici ma critique qui bien sûr n’engage que moi !

Alors au début c’est, comment dire… WTF. Voilà c’est ça, complètement WTF ! Imaginez plutôt : Bob Morane est tranquille chez une copine dans une chic résidence londonienne. Jusque là tout va bien mais l’on sait que ça ne va durer. Alors que notre héros sirote tranquillement son thé du matin, il remarque par une porte-fenêtre une étrange chasse à l’homme dans le parc de la résidence : un clochard poursuivit par des mamelouks « […]vêtus de pantalons bouffants et de courtes tuniques brodées, coiffés de turbans à calotte et à pointe de cuivre […] brandissant […] des cimeterres […] qui […] n’étaient de toute évidence pas de carton-pâte […] ! Quand je lis celà et que je me réfère au titre « Opération Chronos », je me dis qu’il doit y avoir une machine à voyager dans le temps quelque part. Ce ne serait pas la première fois. On verra plus tard que malheureusement il n’en est rien. Mais ce n’est pas tout. Sur le clochard mourant Bob récupère une… touffe de poils de lion qu’il reconnaît aussitôt. En effet il a bien connu ce fauve dans son enfance. Il a bien connu aussi Chloé, la gamine qui lui a offert cette touffe de poils sentant l’urine léonine. Il en déduit illico que Chloé est en danger.
Comme vous le constatez l’aventure commence fort. Et encore ne vous ai-je pas parlé du ton employé pour raconter ce qui précède. Car là aussi Brice à fait fort! Les premiers chapitres sont bourrés d’humour à ras les pâquerettes et de jeux de mots à deux balles. Je ne sais pas ce que l’auteur a fumé pendant l’écriture de ces chapitres mais cela devait être de la bonne! Sans doute a-t-il cru écrire un nouvel épisode des aventures de son héros Arnaud Stolognan…
Ensuite (là j’abrège un peu quand même, il faut bien qu’il vous reste quelque chose à découvrir) on apprend pourquoi le roman s’appelle Opération Chronos. Point de machine à explorer le temps comme je l’évoquais plus haut. Non, il s’agit tout simplement d’une drogue qui rajeunit celui, ou plutôt celles, à qui on l’injecte. Là, je dirais que nous sommes dans la routine moranienne car des drogues on en vu défiler un paquet dans les romans de la grande époque (comprendre la période où Henri Vernes écrivait lui-même ses romans). Alors celle-ci nous fait ni chaud ni froid. Encore que. Passe que le sujet n’en finisse plus de rajeunir jusqu’à redevenir bambin mais les dommages collatéraux engendrés par l’absorption du produit sont pour le moins… WTF! Eh oui encore. Car voyez-vous, si le sujet rajeunit, son entourage, mot à prendre au sens large, se met à vieillir. C’est à dire que les proches vieillissent prématurément et que l’environnement, mobilier, bâtiments, véhicules sont eux aussi atteint d’entropie galopante ! Et je ne sais pas pourquoi mais en lisant cela, j’ai aussitôt repensé aux précédents opus commis par Brice Tarvel à savoir ces personnages qui gonflaient et s’envolaient comme des ballons de baudruche dans La forteresse des nuages, mais aussi aux notes de musiques bouffeuses de colle dans Le murmure des ombres ainsi qu’aux arbres en métal dans le premier Stolognan! Mais ou l’auteur est malin, c’est dans l’explication du phénomène. Car, sûrement pour éviter que je râle en disant que je n’aime pas le fantastique, Brice Tarvel nous assène une explication imparable. Le rajeunissement des sujets est dû à des nano-particules qui ont la mauvaise habitudes de vieillir ce qu’elles touchent dès lors qu’elles s’échappent du corps de leur hôte ! Ainsi, pas de fantastique mais de la science-fiction !
Une fois digérés ces arguments improbables, notre héros se retrouve dans un émirat quelconque ou il pourra vivre des aventures plus classiques même si l’on se perd parfois entre les personnages jeunes qui vieillissent et les plus vieux qui rajeunissent à tour de rôle. Même Bob Morane n’en sortira pas indemne, marqué à jamais par ces évènements.

Dire qu’il s’agit d’une mauvaise histoire serait mentir. On peut passer un bon moment avec ce livre ; je l’ai d’ailleurs lu d’une traite. Mais il faut quand même s’accrocher aux branches pour avaler les sornettes qui sont à la base de l’intrigue. S’accrocher aussi pour lire les premiers chapitres qui nous donnent l’impression que l’auteur se fout du cahier des charges (pour autant qu’il y en ai un) et n’en fait qu’à sa tête oubliant du même coup que les lecteurs rescapés sont avant tout de vieux lecteurs verniens et qu’il ne faut pas trop les bousculer.
Si vous êtes un ancien lecteur des histoires de l’aventurier parisien, vous êtes sans doute effaré par ce qui précède. N’en tirez pas toutefois de conclusions hâtives. Brice Tarvel a son univers bien à lui qui tire souvent vers l’étrange et le fantastique. Il se trouve que j’ai personnellement du mal avec ce type de récit. De plus je crois que ces éléments n’ont pas leur place dans les aventures de Bob Morane. Mais je sais aussi que d’autres lecteurs apprécient.
Si j’ai su exciter votre curiosité, je vous invite à vous faire votre propre idée. Après tout peut-être retrouverez-vous le plaisir de lecture que vous aviez lorsque enfant vous vous cachiez sous les draps avec une lampe de poche pour lire en cachette les dernière aventures de notre aventurier préféré !

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